Sur les chemins vicinaux et petites routes départementales, aux entrées des bourgs de la campagne sarthoise, les croix et calvaires témoignent de la France du XIXe siècle. Un petit patrimoine qu’une association de Bouloire est en train de restaurer.
Il se dresse là, à quelques mètres des routes de Tresson et du Grand-Lucé, face au lavoir de la Hune, en sortie de Saint-Mars-de-Locquenay. Un calvaire, comme la Sarthe en compte plusieurs centaines. Au-dessous de la statue de Jésus crucifié, une petite plaque portant l’inscription « Association de Sauvegarde des Croix et Calvaires de la Sarthe ».
Basée à Bouloire, cette association a déjà restauré 257 croix, dans 116 communes, depuis sa création en 2011. « Nous avons créé cette association à la suite d’une rencontre avec un abbé, l’abbé Lemarchand, qui nous a parlé de ces nombreuses croix qui n’étaient pas entretenues », raconte le président de l’association, Bernard Frognet. « Beaucoup s’intéressent aux églises, aux lavoirs ; nous, ce sont les croix. » Des passionnés, artisans à la retraite pour la plupart, qui restaurent croix de bois, croix de pierre, croix de fonte, sur l’espace public ou en terrain privé, après accord des propriétaires bien-sûr, avec le soutien des communes et du Département. « La plupart des particuliers nous font un don après la restauration du calvaire, c’est ce qui fait fonctionner l’association, avec les adhésions. »
La France des Missions
Mais de quand datent-elles, ces croix ? Du XIXe siècle pour la plupart. Elles sont les héritières des croix en pierre du Moyen Âge. « Depuis le concile de Clermont (1095), les croix jouent un rôle de protection pour tous les chrétiens », précise l’historien local Serge Bertin. « Au XVIIIe siècle, lorsque les cimetières sont éloignés des communes pour des raisons sanitaires, les croix qui y sont érigées remplacent l’église comme symbole de la protection divine. »
Au XIXe siècle, donc, le clergé a souhaité réinvestir l’espace public, afin d’endiguer la déchristianisation de la France post-Révolution. Les ecclésiastiques mettent en place des Missions. « Des prédicateurs restaient dans les villages un certain nombre de jours, pour des prières collectives, des messes, et, à la fin de cette Mission, un monument commémoratif était érigé à un carrefour important », explique Serge Bertin.
Les Missions ont progressivement disparu avec la Première Guerre mondiale. « Elles n’étaient plus dans l’air du temps », poursuit Serge Bertin. Avalés par la végétation, les calvaires témoignant de cette époque sont pourtant encore nombreux en Sarthe. Un patrimoine auquel l’Association de Sauvegarde des Croix et Calvaires de la Sarthe redonne de l’éclat !
HÉRITIÈRES DES CROIX ARCHAÏQUES DU MOYEN ÂGE
Les croix de Missions sont les lointaines héritières des croix en pierre du Moyen Âge, étudiées, pour la Sarthe, par Roger Grignon et Pierre Davoust. « Elles jalonnaient la campagne, c’étaient presque des poteaux indicateurs vers les lieux de pèlerinage ! » compare Serge Bertin. « Si un pèlerin croisait une de ces croix, il savait qu’il était dans la bonne direction. » D’autres commémorent des morts violentes, progressivement tombées dans
l’oubli. À l’exception de certaines restées dans les livres d’histoire. « Ainsi, la Croix-Brette, à Coulongé, a été érigée là où avaient été enterrés les soldats français et anglais tués pendant la bataille de Pontvallain, remportée par Bertrand Du Guesclin, chef des armées du roi Charles V, en 1370. »